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Chili

Les pingouins de l’île Magdalena

Chili

À deux heures de bateau de Puntas Arenas, la réserve protégée de pingouins magellans

Voilà deux jours que je piétine les larges avenues carrées de Punta Arenas. À cet endroit du globe, mon œil distingue une ligne d’horizon courbe. La terre s’arrondit dans les eaux bleues du détroit. Le vent glacé resserre mes poumons. Demain, c’est jeudi. Je serre dans ma poche mon billet pour Magdalena. L’île abrite la plus grande colonie de pingouins des environs de Punta Arenas. Jusqu’à 200.000 pingouins viennent se reproduire dans cette réserve protégée.

Un cargo rouge à la coque rouillée accoste près de l’embarcadère. Il ouvre ses cales dans un immense baîllement. J’escalade la passerelle de fer qui conduit derrière la cabine de pilotage. Un souffle froid pique les coursives du navire. Le bateau jette l’ancre. Je fixe mon regard à bâbord. La côte s’éloigne dans un bleu glacial. Nous naviguons au cœur du détroit. À tribord, je distingue au loin les contours de la Terre de feu, ultime paravent avant la fin du monde. Les rafales de vent, la pluie et le froid ne détournent pas mon regard de l’horizon. Je la cherche. Lorsque soudain, je vois des silhouettes sombres au ventre blanc onduler le long du navire. Le ciel se couvre de gris. La lumière du détroit rebondit métallique sur les vagues ardoises. J’entrevois un infime accroc pointer sur l’horizon. Nous approchons.

L’île Magdalena est un large rectangle de terre vallonnée. Un petit phare blanc et rouge surplombe l’île. Il abrite le centre de recherche Conaf. Deux scientifiques se relaient en permanence toute l’année. Le bateau oblique à tribord. Nous abordons l’île. Des cris s’éparpillent en écho. Je vois les premiers pingouins déambuler sur les gros galets gris de la plage. Un groupe d’individus court vers le rivage et s’engouffre dans l’océan avec un énorme plaisir. Nous jetons l’encre. Le sentier est balisé. Il me conduit en serpentant jusqu’au petit phare rouge et blanc. Les pingouins m’encerclent. Couchée au fond de son terrier, une femelle couve. De jeunes pingouins déambulent en criant à tue-tête. J’ai conscience qu’ils ont adapté leur comportement au contact des visiteurs…

Je lève les yeux. Toute la colline est peuplée de pingouins. Une pluie cinglante s’abat sur l’île. Je cours me réfugier au phare. La pluie cesse aussitôt. Des hauteurs de l’île, je mesure davantage la magie de ce lieu. Ici, les couleurs du détroit finissent souvent par rejoindre un arc-en-ciel. Capitonnée dans ma laine polaire, je redescends la colline en déambulant. Les pingouins jettent leurs derniers cris. Je remonte sur la passerelle du navire et regarde s’éloigner avec bonheur le contour sauvage de l’île de Magdalena.